Il existe quelque part dans Montpellier, dans une rue à l’écart des grands axes de circulation, une rue au nom qui fleure bon les parfums, à quelques pas de la place Pétrarque, un hôtel particulier unique qui pourrait trouver sa place dans les plus belles cités italiennes. C’est à la découverte de ce vaste ensemble, un des plus surprenants de Montpellier, que nous vous convions aujourd’hui, en ce jour consacré au patrimoine.
Cette belle demeure porte le nom d’hôtel de Manse et cette rue, celui d’Embouque d’Or. Sa façade est bien modeste, en retrait de l’alignement de la rue, mais sa porte est monumentale. Poussez-la avec nous pour découvrir les trésors qui s’y cachent, protégés par cette tête de lion en bois sculpté.

Photo Bertrand Delous.
A l’abri de son portique, une cage d’escalier d’exception.
Après un large passage couvert, nous voilà dans une cour rectangulaire, habilement dégagée dans une parcelle triangulaire. La lumière de Montpellier, si caractéristique, renaît enfin.
Sur la gauche, se dresse fièrement un des joyaux de l’architecture montpelliéraine. Une cage d’escalier dont les décors témoignent de campagnes d’aménagement durant la seconde moitié du 17ème siècle. Ici le sculpteur semble avoir été le maître du chantier, tant son travail est présent. Guirlandes de fleurs et de fruits s’affichent pour nous raconter la prospérité de la maison.

Photos Jean de La Lune, 12 mai 2018
C’est un riche montpelliérain, Jacques de Manse, trésorier général de France, intendant des gabelles en Languedoc qui en est le commanditaire. Ce dernier avait hérité d’une parcelle assez disgracieuse de forme triangulaire sur laquelle les constructions qui s’organisaient sur deux cours avaient des airs gothiques. En cette seconde moitié du 17ème siècle, Montpellier s’affirmait comme une puissante cité administrative. Il semblait normal à ce riche commis du roi d’afficher son bon goût par une architecture d’une modernité digne des belles et des plus grandes villes du royaume de France.
La cage d’escalier, un joyau d’architecture
Dans le devis de 1667, un des tous premiers rédigés sur papier à Montpellier, est mentionnée la réalisation d’un escalier à « quatre noyaux suspendus (…) voûté sous les marches avec volées et paliers reposant sur des demi-berceaux« , comme on en connaît de nombreux à Montpellier, notamment celui de l’hôtel des Trésoriers de France. Ce principe n’est pas à nouveau à Montpellier. Quelques hôtels, aménagés par des architectes-ingénieurs venus de Paris, au tout début de la seconde moitié du 17ème siècle, présentent des configurations similaires.

Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France – Languedoc« .

Ce portique constitué de puissantes colonnes abrite le volume consacré à l’escalier. Il ouvre sur une cour normalisée et régularisée où les arcs gothiques, les fenêtres à meneaux disparaissent pour céder la place à de grandes baies que l’on qualifie de « baies à l’italienne ». L’intérêt de cette partie, outre la qualité de la taille et de l’ajustement des pierres de l’escalier, est lié à la présence d’un portique qui vient le magnifier. Reposant en rez-de-chaussée sur de puissantes colonnes d’ordre ionique, et au premier étage d’ordre corinthien, séparées un important bandeau offrant de belles guirlandes de fruits, signifiant la prospérité du lieu et de ses propriétaires, ce portique met en scène cette pièce maîtresse de l’hôtel qu’est l’escalier.
Les scènes mythologiques ou religieuses sur le couronnement du dernier niveau semblent illustrer l’antiquité et la puissance de la famille qui les fit exécuter, les incluant dans une histoire biblique.

Un majestueux entablement couronne le dernier niveau. Feuilles d’acanthes, scènes mythologiques, corps de balustres s’y succèdent. A l’origine, une série de bustes de grande qualité, comme en témoigne la gravure de 1837 présentée ci-dessus, surmontaient l’ensemble. Mais en 1934, ils furent, de façon peu glorieuse, vendus à un antiquaire parisien.
Un hôtel qui s’est replié sur lui-même au 19ème siècle
Ce n’est qu’en 1805, que l’hôtel quitte le patrimoine de la famille de Manse. Il est alors acheté par Gabriel Paulin Crozals qui y installe une école secondaire privée. Quelques pièces de ce vaste ensemble sont également louées à des administrations. La ville de Montpellier y installe au premier étage le premier musée de peintures, ancêtre du Musée Fabre. La faculté des Lettres s’y établit également, avant qu’en 1817, y soient installée la faculté des sciences. Cette dernière y demeurera jusqu’en 1837.
Propriété de la famille Sabatier d’Espeyran, et de la famille de Saint-André, cet hôtel connaît d’importantes modifications. Une tour y est construite, et une verrière vient masquer la cage d’escalier. Les armes de la famille propriétaire s’y affichèrent ostensiblement.


Au fil du temps, cet hôtel s’est progressivement replié sur lui-même, dissimulant ses trésors, des trésors que grâce à l’amabilité d’Alex Larue, nous avons eu le plaisir de partager avec vous tous en ce jour, bien gris, qui aurait dû être consacré aux promenades dans les rues de Montpellier…
Alors après cette petite promenade, nous vous convions plus tard, à 18h précises, pour un autre article qui nous conduira du côté de la faculté de médecine de Montpellier à la rencontre d’un de ses célèbres savants, M. Alyre Raffeneau-Delile.

2 commentaires
Je ne fais que dire merci. Comment dire autrement le plaisir d’apprendre chaque jour vous lisant. Depuis 63, je suis passée « bêtement » mainte fois devant. jamais osée essayant ouvrir la porte. Je le fait en étranger, pourquoi pas dans ma ville d’adoption?
Merci Fabrice et Loïc. Vos articles si bien documentés et écrits sont de véritables mines de renseignements pour celui, ou celle, qui comme moi, souhaite approfondir sa connaissance de sa ville de naissance et retrouver ses souvenirs.