En ce début du mois de février 1897, le Petit Méridional mettait sur le devant de la scène un grave problème qui avait fait naître une importante bronca dans le théâtre. Le sujet était d’importance. Imaginez-vous qu’il concernait la mode féminine ! Il est bien connu que le théâtre est avant tout un espace de représentations, et que ces représentations se jouent tant sur la scène que dans les parterres…

Mesdames, ôtez vos chapeaux, je n’y vois rien !
Et ce sujet d’importance c’est celui des chapeaux des dames. Ces dernières, suivant les modes parisiennes, refusaient de retirer leurs couvre-chefs durant les spectacles au grand désarroi des rangs situés sur l’arrière.
L’envoyé spécial du Petit Méridional n’hésitait pas à écrire dans les colonnes de son quotidien que « pendant un entracte de Philémon et Baucis, une partie du public s’est mise à faire du bruit, à propos des chapeaux arborés aux fauteuils par plusieurs dames. L’une de ces dames a enlevé bientôt son chapeau, mais les autres ont conservé le leur, et comme une contre-manifestation s’est produite, au même moment« . Le bruit fut « tel que le commissaire de police de service a prié plusieurs spectateurs du parterre de sortir.«
Au sein de la salle, « des cris de : Régisseur ! régisseur ! se sont élevés puis le tapage s’est calmé et la représentation a continué sans nouvel incident. »
Chapeaux ou échafaudages indéboulonnables des têtes des élégantes
Mais la question rebondit les jours suivants, le 6 février, il y a donc 123 ans. Pour tenter d’apporter une réponse à ce soulèvement du peuple bourgeois de Montpellier, on se résolut à installer des planches dans les vestiaires afin que les dames chapeautés consentent à se séparer de leurs coûteux coiffes. Mais elles s’y refusèrent. Il fallut réfléchir à cette épineuse question, d’autant que la mode était aux coiffes tonitruantes, débordant de tous côtés, et visant à se faire remarquer. L’objectif était réussi puisqu’on ne voyait plus qu’elles…
La question dans les jours suivants devint encore plus aigüe. Un commentateur fit part de ses réflexions par l’organe du même journal, dans son édition du 6 février. Il déclarait que « les spectateurs véritablement incommodés par les échafaudages de fleurs et de rubans que la mode place sur la tête des femmes, se plaignent et ils n’ont pas tort ; ils vont au théâtre pour voir ce qui se passe sur la scène et non pour admirer le talent imaginatif des modistes. » (…) « Mais, par contre, si nous sommes esclaves de la mode au point qu’une femme qui arbore ces mirobolants monuments, croirait déroger en se coiffant avec la modeste petite capote qui sied si bien à un joli visage, faudrait-il que l’administration lui permit, par l’installation de vestiaires dignes de ce nom, de déposer en lieu sûr les coûteux appendices qui sont cause de tout ce bruit.«
La naissance des vestiaires du théâtre
Il prolongeait son propos en déclarant qu’ « On ne peut pas taxer de vestiaires la succession de porte-manteaux qu’on aperçoit le long des couloirs ; dans tout théâtre bien aménagé les vestiaires sont des réduits entourés d’étagères et de porte-manteaux où, sous la sauvegarde des ouvreuses, on dépose en toute sécurité, gratuitement ou par une perception réglementée, les objets encombrants que l’on retrouve après le spectacle au moyen des numéros qui sont donnés au moment du dépôt.Pourquoi ne trouverait-on pas ces réduits ? La place ne manque pas et il sera aisé avec un peu de bonne volonté de donner satisfaction au public.
On recueillera ainsi deux avantages : le premier de laisser en toute tranquillité chapeaux, vêtements, etc, le second d’éviter l’encombrement qui se produit à la sortie quand chacun se rue pour décrocher sans ordre et sans contrôle, au grand désarroi des ouvreuses qui ne peuvent maîtriser cette précipitation et dont la responsabilité ne peut décemment être engagée.
Quand de pareils vestiaires seront installés, l’administration municipale aura le droit et le devoir de prendre un arrêté pour défendre aux dames d’incommoder par des coiffures encombrantes les spectateurs qui sont placés derrière.
Tant qu’une pareille mesure ne sera pas prise, le tapage de mardi dernier pourra recommencer à chaque représentation.«
Et c’est comme ça, pour une histoire de chapeaux aux formes trop généreuses et rebondies, que naquirent les vestiaires du théâtre…