C’était un 11 novembre, un 11 novembre 1829, que la statue de Louis XVI fut inaugurée à Montpellier, sur l’actuelle Place du Marché aux Fleurs. A nouveau victime d’une Révolution, le séjour de la royale effigie y fut fort court. Le 19 juillet 1831, on mit le roi à terre et on le remisa dans la Citadelle, tel un prisonnier. Il fallut attendre 1967, pour que Louis XVI retrouvât le soleil, mais un soleil américain… C’est cette histoire que nous allons vous raconter à l’aide de cette publication.

Collection de l’auteur.
L’hommage de Montpellier au « roi martyr »
Lors du rétablissement de la monarchie en 1815, les édiles municipaux de Montpellier s’empressèrent de témoigner leur attachement à l’Ancien-régime. Pour ce projet qui consistait à élever sur la place du Marché aux Fleurs une statue à la gloire – comme ils le disaient eux-mêmes – du « martyr de la Révolution« , Louis XVI, ils obtinrent le soutien immédiat du pouvoir central. En effet, le ministère de l’Intérieur consentait à fournir un bloc de marbre de Carrare de trois tonnes. Mais en contrepartie, il imposait l’artiste, un sculpteur proche du pouvoir. Deuxième grand prix de Rome, ancien élève de David, Achille Valois (1785-1862) était le sculpteur officiel de la Duchesse d’Angoulême.
La municipalité ne pouvait que s’honorer de cette proposition et obtempéra sur le champ. En dépit de très nombreuses commandes, le statuaire dessina un projet de statue monumentale. Il fit parvenir avec son dessin, un devis qui s’élevait à plus de 22.692 francs. Le socle, à lui seul, nécessita la bagatelle supplémentaire de 14.550 francs. Mais le corps municipal ne reculait devant aucune dépense pour ce geste mémoriel. Même en l’absence de la statue, ses membres s’empressèrent d’inaugurer le socle le 11 novembre 1819. Ce fut l’occasion pour les élites locales royalistes d’adresser à leur ancien roi de beaux discours et de jolis vers.

Un royal retard
Mais les montpelliérains durent attendre dix ans pour voir cette représentation du défunt Roi sur la place des Capucins. Dix ans d’attente, dix ans de railleries s’écoulèrent. Les habitants trouvaient que le temps était bien long. Louis XVI était bien le digne héritier de Louis XIV. Comme lui, il avait eu bien des difficultés à trouver la route de Montpellier. On s’amusait à dire que décidément « la ponctualité n’est pas la politesse des Grands« … En dépit de ce que racontait la légende.
Mais voilà qu’en 1829, on annonce qu’on va pouvoir enfin l’inaugurer ! Une date fut même fixée : le 19 août 1829. Le sculpteur et la duchesse d’Angoulême, « Madame Royale », la première fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette devaient être présents. Les espoirs des montpelliérains qui espéraient revoir à nouveau dans leur ville la survivante de la famille royale seront déçus. Décidément, la famille royale éprouvait bien des difficultés pour trouver Montpellier. Ce sera tout de même aux cris de « Vive le Roi« , que le public montpelliérain accueillit en nombre leur ancien roi tant attendu. Toutefois, ces vivats ne sont pas si vigoureux qu’ils l’auraient été quelques années auparavant. Le règne de Charles X se montrait décevant et ne tarda à sombrer dans le plus grand rejet de la population française.
Le bannissement de Louis XVI
Cette statue, tant espérée, que l’on avait attendue pendant dix années, fut rapidement victime des changements de pouvoir. L’installation du règne de Louis-Philippe après les Trois Glorieuses fut pour la mémoire de Louis XVI une nouvelle tragédie… On ne lui coupa pas la tête, mais on le déboulonna. Son souvenir devait disparaître de l’espace public montpelliérain. La statue devint l’objet de querelles entre les divers camps royalistes et dès 1831, le 19 juillet, elle fut déposée. On l’entreposa alors dans une casemate de la citadelle sur l’Esplanade. A l’ombre des barreaux qui devaient rappeler la prison du Temple, Louis XVI demeura près d’une soixantaine d’années, presque oublié de tous.
Le socle, quant à lui, orphelin, accueillit une urne en bois, en l’honneur des « mânes des Héros de juillet ». Le climat languedocien, et notamment les pluies, eurent rapidement raison de cette décoration, qui finit, elle aussi, par disparaître. Le socle trôna encore quelques années au milieu de la place. En 1885, alors que le conseil municipal nourrissait d’autres projets pour cette place des Capucins, il se résolut à le céder. On le proposa alors au plus offrant. Le mieux disant consentit à délester sa bourse de 100 francs pour ce socle qui avait coûté plus de 150 fois plus. C’est ainsi que disparut le dernier souvenir de l’effigie de Louis XVI dans l’espace urbain de Montpellier.
En 1900, cette statue monumentale de Louis XVI fut transférée au musée des Moulages de la faculté des Lettres. Mais elle y demeura fort peu. En 1913, elle retrouva l’obscurité. On l’abandonna dans les dépôts des archives départementales jusqu’à ce que le conseil municipal vota pour son exil, mais un exil bien éloigné de la France, déracinement qui n’aurait certainement pas déplu au roi de son vivant.

Collection personnelle de l’auteur
L’exil américain de Louis XVI
En 1966, c’est une expatriation vers les Amériques que François Delmas, le prédécesseur de Georges Frêche, proposa à la statue de Louis XVI. Il s’agissait en fait d’un cadeau de mariage que l’édile montpelliérain offrait à Louisville, capitale du Kentucky, pour sceller le lien de jumelage qui venait d’être signé. Louis XVI traversa donc l’Atlantique et trouva asile dans cette ville, dans le Kentucky. Il y reçut les honneurs de la « sister-city » de Montpellier, dont l’emblème est une fleur de lys, le 12 juillet 1967, en présence des deux maires et de l’ambassadeur de France aux USA… Curiosité de l’histoire, Louisville, comme s’amusait à le dire Roland Jolivet, était « la cité où on distillait le plus de bourbon » en Amérique…




Source https://eu.courier-journal.com/story/news/local/2017/12/26/king-louis-xvi-statue-louisville/870206001/
Aujourd’hui, les statues de Louis XVI sont très rares en France. On n’en compte plus que trois sur la totalité du territoire national. Ne pourrait-on pas réaliser une copie de cet important groupe et la reposer à son emplacement d’origine? Cela pourrait être un beau projet…D’autant que cette statue avait été classée au titre des Monuments Historiques le 19 mars 1921, et rayée de cette même liste le 24 novembre 1966 (!)… afin d’en permettre la sortie du territoire…

Source Wikipedia