Chaque année, le 2 novembre, et pendant près d’une semaine, se déroulait la célèbre foire aux ânes, qui attirait dans notre bonne ville de Montpellier, du pied du Peyrou jusqu’à l’avenue de Lodève, toute la population d’un territoire compris entre l’Hérault et le Vidourle. Mais qu’elle était donc cette foire qui marqua tant les esprits et que les plus jeunes comme moi n’ont pas eu le plaisir de connaître ?

Collection personnelle F.B.
La foire des camelots
Cette foire aux ânes, qui a aujourd’hui disparu, était de mémoire de montpelliérains, une foire remplie de camelots qui venaient y vendre bibelots, linge de maisons, habits, accessoire de cuisine et autres objets issus de la modernité de l’après-guerre. Dans les années 1950, elle offrait le reflet des dernières tendances de mode et se voulait l’égale des grands magasins « Paris Montpellier » ou « Galeries Lafayette ». De beaux articles, voire de très beaux articles y étaient proposés. D’ailleurs les élégantes montpelliéraines n’hésitaient pas à y faire leurs emplettes, à acheter le dernier manteau à la mode. D’autres venaient remplir les trousseaux des filles en âge de se marier.
Il faut dire que cette foire tombait bien ! Un 2 novembre ! Elle s’inscrivait parfaitement bien dans le calendrier économique de notre Bas-Languedoc.
Les hommes, principalement les vignerons, pouvaient enfin, à cette période, goûter à quelques jours de distraction après les fastidieuses journées consacrées aux vendanges puis au sous-tirage du vin. Pour rien au monde, l’un d’eux, mon grand-père, viticulteur à Cournonterral, n’aurait manqué cet événement qui marquait la fin de longues journées consacrées au travail. Il savait que la récolte était rentrée et que l’argent n’allait pas manquer à la maison. Il savait également qu’il pouvait même envisager quelques distractions et accompagné de ses cinq enfants et de son épouse, il arpentait avec ses amis les allées de cette foire qui attiraient les yeux de toute sa famille. Mes parents, comme leurs amis, tout comme vous je pense, en gardent un souvenir ému, heureux. Ils se souviennent à l’image des enfants nés dans les années 40/50 des tours de manège, des confiseries qu’ils se faisaient offrir, notamment des barbes à papa, des pommes d’amour et des macarons. Ils espéraient voir les ânes, ces fameux ânes qui les faisaient rêver, mais cela faisait depuis longtemps que les anneaux qui sont encore accrochés aux piliers de l’aqueduc n’avaient plus servi. Cela ne faisait rien, même sans les ânes, la magie opérait. La foire aux ânes de Montpellier était pour eux, avec Noël et les Pailhasses, curiosité de leur pays de résidence, le grand événement de l’année que pour rien au monde ils n’auraient voulu manquer. Bien sûr le temps a passé, les marchandises n’étaient plus autant intéressantes et la foire aux ânes a été supprimée.

Collection Bertrand Delous
Le marché aux puces
« Frêche ne touche pas à nos puces, sinon on va secouer les tiennes »

Collection Joël Miglos
Un marché aux puces qui se déroulait chaque semaine du vendredi au samedi sur son ancien emplacement y trouva sa place. Nombreux étaient les jeunes montpelliérains qui y venaient, après avoir fouillé les greniers de leurs familles, pour proposer quelques articles aux promeneurs, dans l’espoir de se faire de l’argent de poche. Nombreux étaient également les brocanteurs qui y venaient par plaisir car ils savaient que la clientèle était avide de trouvailles. Cependant ce marché n’était pas au goût de tout le monde, notamment des habitants du quartier des Arceaux, qui devaient supporter du vendredi au samedi la présence des marchands et des promeneurs, qui ne voulaient pas tous aller se soulager de quelques francs au bar de la Cigale ou au Bar des Arceaux. Georges Frêche entendit leurs critiques, est sous prétexte de difficultés d’accès pour les pompiers au centre-ville, proposa le transfert de cette brocante d’abord vers le stade de Richter puis, dans un second temps, vers la Paillade. Un comité de résistance se mit en place avec pour slogan « Frêche ne touche pas à nos puces, sinon on va secouer les tiennes », mais la menace ne fit pas trembler notre édile, qui les transféra au stade Richter puis à La Paillade, leur faisant perdre tout leur charme…
De cette période subsistent de beaux clichés pris par Cathy Dumons (Cathy Mima), c’était ses toutes premières photos de Montpellier. Ils immortalisent cette brocante des Arceaux et l’ambiance qui y régnait.

Le marché aux puces des Arceaux.

Le marché aux puces des Arceaux.

Le marché aux puces des Arceaux.

Le marché aux puces des Arceaux.

Le marché aux puces des Arceaux.

Le marché aux puces des Arceaux.
C’était ainsi la fin de la foire aux ânes, de cette foire du 2 novembre, qui faisait briller les yeux de tout enfant de Montpellier… la fin d’une foire dont la tradition existait depuis près de 300 ans car c’était en effet, un 2 novembre de l’an 1694, que se tint l’ancêtre de cette foire sur le Pont Juvénal. C’est cette histoire des foires de Montpellier, et celle de la création de cette foire du 2 novembre que nous vous conterons dans un prochain article.

Collection de la Bibliothèque Emile Zola – Montpellier, cote : 1652RES_Vol 3_169