
L’imposante croix, située place Giral, connue sous le nom de « croix du Peyrou », fut élevée par souscription en 1857 sous l’épiscopat de monseigneur Thibaud, évêque de Montpellier, en remplacement d’une précédente croix de la mission qui avait été érigée en 1821 et dont la fragilité avait nécessité dès 1841 d’importants travaux de consolidation. Elle même avait pris la place de croix plus anciennes qui depuis 1653, avaient été érigées sur cet emplacement et témoignaient de la présence d’un ancien établissement religieux appartenant aux frères de la Merci qui avait été détruit en 1652, durant les Guerres de Religion.

La croix de 1857

La nouvelle croix bénie le 31 octobre 1857 présente une très impressionnante représentation du Christ réalisée par Benjamin Cusson, un ferronnier d’art originaire de Lodève, qui avait pris en location, pour réaliser ces travaux, un atelier dans le quartier Saint-Roch, rue des Teissiers. Cusson, à qui on doit également la Vierge qui couronne l’église Saint-Louis de Sète, mais également quelques autres chefs-d’œuvre, était dans la livraison du 25 septembre du journal le Petit Méridional qualifié de Cellini local, en référence au grand artiste italien du 17ème siècle. La qualité de ses travaux, notamment pour ce qui concernait l’art de repousser le cuivre, pouvaient en effet justifier une si élogieuse comparaison. La plaque de marbre qui l’ornait portait pour inscription : LIGNO CONFECTA / OB VETUSTATEM / 31 OCT. 1857 AERE CONFLATA / LIBERALITATE CIVIUM / CURANTE ILLUS.REV. / CAROLO THOMA THIBAUD / EPISC. MONS (Réalisée en bois, de par sa vétusté, le 31 octobre 1857, fondue en bronze grâce à la générosité des citoyens, sous la direction de l’illustrissime et révérendissime Charles Thomas Thibaud, Evêque de Montpellier).
Elle était à l’origine entourée d’une grille qui en assurait la protection. Mais le danger venait plus des cieux que de la terre..

La croix, victime d’une bourrasque divine
Dans la nuit du 23 au 24 septembre 1920, vers cinq heures du matin, un cyclone, ainsi que le titraient les journaux locaux, qui avait arraché cheminées, enseignes et arbres à l’Esplanade et dans de nombreuses campagnes, mais également la tente d’un cirque de passage, renversa cette croix du Peyrou et la jeta au sol. La croix, en fait victime de la rouille accumulée par des années d’incurie plus que par le vent violent, se coupa au bas du piédestal et se coucha perpendiculairement à la façade de la Caisse d’Epargne, en direction du Peyrou, écrasant le célèbre Christ en cuivre repoussé qui faisait l’admiration des amateurs d’art. Son effondrement provoqua un vaste émoi populaire. La population catholique, attristée, et celle des badauds incrédules, en firent un but de promenade, les premiers s’agenouillant devant elle, et lui adressant des prières, les autres s’amusant de façon intérieure de découvrir cette croix de guimauve qui avait écrasé le Christ. Comme on peut s’en douter, les autorités ecclésiastiques tout comme municipales se saisirent de cette affaire. Depuis quelques temps, on cherchait un emplacement pour édifier le monument aux morts de la ville de Montpellier. Quel autre espace aurait mieux convenu que celui-ci ?
Mais la population catholique s’y opposa catégoriquement et instruisit de nombreuses procédures judiciaires à l’encontre de la municipalité. Les procès durèrent sept ans et au mois d’avril 1927, sous la direction de l’architecte montpelliérain Boudes, elle put être enfin relevée. Ce fut l’occasion de retrouver à nouveau le piédestal de l’ancienne croix de 1821 et de l’orner d’une nouvelle plaque : PROCELLA NOCTE / 23-24 SEPT 1920 EVERSA / RESTAURATA DIE 15 APR. 1927 / EX DONIS CIVIUM / RR DD RENATO MIGNEN / EPISCOPO MONTISPESSULANI (renversée par une bourrasque le nuit du 23 au 24 septembre 1920, (cette croix) fut restaurée le 15 avril 1927, grâce aux dons des citoyens, Monseigneur René Mignen, évêque de Montpellier)

Collection : Fabrice Bertrand
Propriété de l’association diocésaine, elle a été confiée comme l’ensemble des croix de Montpellier à la confrérie des Pénitents blancs le 15 juin 1942. Mais l’histoire ne saurait s’en arrêter là…
La 6ème croix de 1985

Cette croix du Peyrou a dû bénéficier d’une restauration complète en 1985, dans le cadre du Millénaire de Montpellier. Il faut bien rappeler que l’année précédente, durant le mois de février 1984, le serpent de bronze doré qui tenait dans sa gueule une pomme d’or, qui se trouvait à sa base, fut subtilisé. Cet « emprunt » permit de découvrir la dangerosité de la structure qui comme en 1920, avait subi l’usure du temps et pouvait à tout instant se rompre. En juin, la croix est déposée et mise à l’abri à Juvignac, avant de partir pour le Gard et subir une nouvelle restauration de la part d’Hubert Jourdain. 800 heures furent nécessaires pour parvenir à cette restauration. On prit soin, cette fois-ci, à favoriser la circulation de l’air dans les parties jointives qui pouvaient être corrodées par l’accumulation de l’eau… La croix fut replacée sur son socle le jeudi 17 octobre 1985 et après la rénovation du socle, elle fut bénie le samedi 9 novembre 1985, à 11 heures par Monseigneur Louis Boffet, Evêque de Montpellier, en présence du député-maire Georges Frêche et de tout un aréopage de religieux. Il s’agit donc de la sixième croix qui occupe le même espace depuis 1653.

3 commentaires
Elle a perdu son serpent, depuis la dernière restauration. Stupidement décapité par un vandale fétichiste, le corps a suivi. 🙁
S’il pouvait cette fois être épargné, on voudrait bien le revoir reprendre sa place, même terrassé !
Article fort intéressant.
Mais il faudrait informer les lecteurs sur ce le terme de » croix de la mission » ou plus précisément ce ce signifiait le terme de mission à Montpellier avant et après la révolution. J’imagine que bien des lecteurs en ignorent le sens.
Un grand mlerci
Merci Jean, je suis justement en train de réunir les matériaux pour faire une publication sur la mission de 1821 et le plantement des croix de Mission.